Apple tente de prendre l'ascendant sur les opérateurs télécoms

C'est le scénario catastrophe pour les opérateurs. Apple a commencé depuis quelques semaines à présenter sa vision de leur métier à ATT, Verizon, Deutsche Telekom, Telefonica, et en France à Orange, SFR, Bouygues Telecom. Tous ceux qui sont déjà allés à Cupertino pour entendre la bonne parole en ressortent abasourdis. Car dans le monde selon Steve Jobs, les opérateurs ne sont guère plus que des responsables de la maintenance d'un réseau de tuyaux, doublés de banquiers qui vont subventionner son téléphone. 
Qui plus est, Apple leur explique qu'il est déjà prêt techniquement. Le groupe travaille depuis un certain temps avec le spécialiste français de la carte à puce Gemalto pour gérer lui-même sa propre carte SIM, carrément scellée dans chaque téléphone. Cela signifie d'une part qu'Apple vendrait ses terminaux en direct via iTunes, sa boutique en ligne... y compris les abonnements. Devenu un opérateur mobile virtuel (MVNO) mondial, il serait également capable de gérer le passage d'un réseau d'opérateur à un autre en fonction des tarifs offerts par ces derniers. Une mise en concurrence que ne parviennent pas à réaliser aujourd'hui les MVNO, car changer d'opérateur nécessite de changer les cartes SIM.

Privés d'iPhone

Pour Gemalto, qui aimerait monter dans la chaîne de valeur, avoir moins d'usines mais prélever de plus en plus de revenus liés à sa propriété intellectuelle (brevets, licences), cette collaboration avec Apple serait une source de revenus récurrents. Le fabricant de cartes à puces français (mariage de Gemplus et d'Axalto) se fâcherait certes avec ses clients opérateurs en France. Mais il deviendrait une sorte de Qualcomm de la carte SIM -l'Américain prospère grâce à ses brevets sur la technologie de téléphonie mobile 3G.
Les opérateurs qui défilent en ce moment à Cupertino pour avoir le droit de subventionner et de distribuer l'iPad dans leur boutique craignent qu'Apple parvienne à ses fins. Ce n'est pas la première fois que le groupe californien tente de « désintermédier » les opérateurs  : au tout début de l'iPhone, la firme avait même exigé un pourcentage sur les abonnements perçus par les opérateurs  ! Mais la situation a changé, et il n'existe apparemment aucune contre-indication réglementaire ou concurrentielle, en France, au système Apple-Gemalto. Si un opérateur craque et se plie aux volontés d'Apple -qui dispose de quelques moyens de pression avec ses 14 millions de ventes d'iPhone rien qu'au troisième trimestre, et le succès de son iPad -les autres auront beaucoup de mal à résister. Il suffirait de les menacer de ne pas avoir l'iPhone 5 en juin prochain, par exemple.
www.lesechos.fr